Celui qui n’aurait pas dû aller en vacances en Grèce (1/2)
Le 25 juillet 2017, la vie d'Alexander Vinnik bascule en Grèce.
Bonsoir !
De retour ce soir pour un nouvel épisode de Pwned. Merci d’abord pour votre fidélité. Je rappelle au passage, pour ceux qui ne sont pas encore inscrits, le formulaire pour s’abonner:
Alors ce soir, on va parler d’Alexander Vinnik. Cela fait deux ans que je couvre les déboires de ce russe âgé d’une quarantaine d’années pour différents médias. Il fait partie de ceux que les journalistes appellent des bons clients. Plus on cherche, plus il y a de choses à dire.
L’histoire de ce grand maigre aux cheveux courts et à la voix âpre est une série de matriochkas qui s’emboîtent les unes dans les autres. Tout cela pour dire qu’il y a tellement de choses à dire que cela prendra la forme de plusieurs épisodes de Pwned.
Ce week-end, on va donc essayer de se focaliser sur le début de son histoire. Faites l’essai dans votre moteur de recherche favori, en excluant les résultats apparaissant après juillet 2017. Il n’y a pas grand chose qui ressort vraiment sur Alexander Vinnik, Александр Винник en cyrillique.
Pour nous, simples spectateurs, ce récit débute donc un 25 juillet 2017 au petit matin dans la ville d’Ouranoupolis, une cité balnéaire du nord de la Grèce au pied du mont Athos.
Selon Alexander Vinnik, il y passe de modestes vacances dans un “hôtel ordinaire”. Selon un média grec, la famille a réservé au contraire l'un des hôtels les plus chers du village.
La différence de point de vue n’est évidemment pas anodine. Se présenter comme quelqu’un de modeste, c’est déjà une manière de se défendre. Surtout quand votre surnom, c’est “M. Bitcoin” - mais on y reviendra.
Bref, ce 25 juillet 2017, la vie d’Alexander Vinnik bascule. Des policiers grecs l’arrêtent, sur la plage, devant ses enfants. Sa compagne fait quelques brasses au large. Quand elle se retourne vers le rivage, elle voit les policiers en short passer les menottes à son mari.
A des milliers de kilomètres de là, une flopée de services américains (le FBI, l’IRS, le Secret Service, la Sécurité intérieure, ou encore le Trésor) exultent. Leur enquête vient de connaître une avancée fulgurante.
Alexander Vinnik est en effet suspecté d’être l’un des opérateurs majeurs de BTC-e, une plateforme d’échanges de crypto-monnaies lancée en 2011. Un site qui est suspecté d’avoir blanchi le butin du hack du siècle.
Entre 2011 et 2014, 530 000 bitcoins ont disparu de la plateforme d’échange Mt. Gox du français Mark Karpelès, à Tokyo. Selon la justice américaine, les bitcoins piratés se sont évaporés sur la plateforme BTC-e.
Mais ce n’est que le premier fil. En quelques années, BTC-e a visiblement pris une importance cruciale dans les activités illégales sur le net.
C’est simple, elle serait devenue la super blanchisseuse d’argent sale mondiale. Par exemple, des fonds provenant des rançons captées par Cryptolocker, le rançongiciel à succès du fameux Business Club d’Evgeniy Mikhailovich Bogachev, sont passés par le site.
Pour la justice américaine, BTC-e aurait blanchi environ 9,4 millions de bitcoins. Soit l’équivalent de plus de 4 milliards de dollars, cent fois plus au cours d’aujourd’hui.
Alors, comment ça fonctionnait? BTC-e était une sorte de place de marché où des utilisateurs peuvent amener leurs devises. Ils pouvaient alors les convertir dans la monnaie du site, des bons d’échanges appelés des vouchers. Puis les transférer vers d’autres comptes créés sur le site, et enfin les convertir en crypto monnaie, en dollars ou euros.
En fait, amener des bitcoins sur BTC-e revient à les convertir dans une autre devise. Cela veut dire que l’usager qui amène de la crypto monnaie, par exemple du bitcoin, quitte le registre de la blockchain. Son argent n’est donc plus traçable.
Ce ne serait pas un problème si la plateforme contrôlait l’identité de ses utilisateurs et répondait aux réquisitions judiciaires. Mais devinez quoi? C’était tout le contraire.
A demain pour la suite,
Bonne soirée,
Gabriel
PS: L’histoire vous a plu? Pour me payer une bière - par exemple une Piraiki Fresh Pils - c'est ici.